Niamey, remake Bamako

Niamey, remake Bamako


par Chekib Abdessalam



Le chef d’État-major rejoint les putschistes

À Niamey, la calamité militaire afflige le public. Des putschistes suivis par l’armée et son chef d’état-major, viennent d’opérer un coup d’État à Niamey se revendiquant d’un comité national de sauvegarde de la patrie, dit CNSP.


Le chef d’état-major entérine le coup de force, une tradition ?


Les putschistes, dignes héritiers de leur prédécesseurs militaires, leurs aînés fomenteurs de multiples coups d’état et tentatives de coup d’État, depuis Seyni Kountché, continuent dans la voie toute tracée. En effet, enfant de troupe de l’Afrique-Occidentale française (AOF), Seyni Kountché, issu de la minorité songhay-zarma-koy, entre à treize ans à l’école de Kati au Mali en 1944, puis à celle de Saint-Louis du Sénégal. Il devient sergent dans l’armée coloniale, fait l’Indochine puis l’Algérie, puis monte en grade aprés avoir intégré les forces armées du Niger indépendant. Il suivra comme nombre d’anciens de la coloniale ou tirailleurs, l’École de formation des officiers ressortissants des territoires d’outremer (EFORTOM) à Fréjus. Il aura l’honneur d’inaugurer le cycle coup d’État réussis ou ratés qui perdurent encore jusqu’à ce 26 juillet 2023. On assiste quasiment aux mêmes scenarii de Dakar à Djibouti en passant par Alger. Les anciens coloniaux vont imprimer la marque de leurs mentalités et “savoir-faire” en matière de violence d’État et de cruauté, chacun selon les variables d’ajustement propres à son État-création-coloniale des années soixante. Les mêmes anciens de la coloniale pour les uns, anciens tirailleurs pour les autres, ou encore “déserteurs-de-l’armée-française” pour les putschistes d’Alger (DAF). À chacun ses spécificités mais on promeut les mêmes principes de base, la même culture tyranique du doigt sur la gachette, le même culte de l’impunité au coeur de systèmes archi corrompus.

Certains s’achèteront, à vil prix ou en partageant une rente pétrolière, une virginité allant jusqu’à se faire passer pour des révolutionnaires, des tiers-mondistes, des africanistes alors qu’ils seront les premiers à défendre le découpage colonial jusqu’à inventer le pseudo concept d’intangibilité des frontières coloniales exporté jusqu’à Adis-Abéba. Ainsi, ses sectateurs, grands bénéficiaires de ce découpage tragique de l’Afrique, morcelée par les anciens empires coloniaux dont ils perpétuent finalement les superstructures et le système importé de toute pièce alors, se transforment en sous-traitant du colonial désormais affublé du sobriquet “indépendance” mis en musique. Bien sûr, ces grands bénéficiaires le feront au détriment des grands perdants.

Aujourd’hui, les anciens schémas ou synopsis de la création de la Mauritanie, de l’Algérie, du Mali, du Niger et de bien d’autres États d’inspiration coloniale, sont remis au goût du jour tout en se parant d’une étiquette ou d’un semblant de révolution qui n’en a que l’apparence, ce qui servira à mettre en place, de facto et sur la durée, des dictatures et des républiques bananières bon chic, bon genre. Toute la bande sahélo-saharienne est enjointe de suivre les chefs de file du concept.

Au 21e siècle, le scénario se répète de Ouagadougou, de Conakry à Bamako, pour exemple, puis, juillet 2023, il est finalement reproduit quasiment à l’identique à Niamey.

Scène une, acte premier, un coup d’État. De préférence militaire, sinon il sera, à défaut, coup d’État institutionnel -plus soft- tel que 3eme, 4eme, 5eme mandats, nouvelle constitution pour remettre les compteurs à zéro ! Le coup d’État pourra se voir doté d’un conseil de révolution voir habillé d’une robe rouge à la belle époque de la guerre froide comme par exemple en Éthiopie où les putschistes seront les tombeurs du rare pays africain à n’avoir pas réellement été colonisé et l’un des plus anciens royaumes authentiques d’Afrique, raison pour laquelle le siège de l’OUA devenue Unité Africaine sera choisi dans la capitale de la corne de l’Afrique et du Rift. On s’attaque à la personne même du Négus. Cependant que tant de tragédies, de guerres, auront accablé et continuent de meurtrir cette région du monde.

Scène une, acte 2, les économies sont mises à la découpe. Le pillage bien ordonné met en place des pseudos nantis amateurs de pacotille, de verroterie et de clinquant. Les récalcitrants seront soumis à l’implacable combinaison tactique de la corruption, de la censure, de l’arbitraire, de la torture et de l’assassinat politique.

Scène une, acte 3, un sursaut révolutionnaire, un coup d’État dans le coup d’État, des manifestations pour conspuer son prédécesseur, puis des manifestations de soutien sous contrôle - de quelques centaines d’individus faciles à provoquer, à organiser et à maîtriser -, comme cela s’est passé à Conakry, à Ouaga, à Bamako, à Bangui, et maitenant à Niamey.

Scène une, acte 4, on cherche et on trouve un bouc émissaire ou souffre-douleur de préférence extérieur : la France, l’Occident, l’Europe, les États-Unis etc. Ou encore un bouc émissaire voisin pour chauffer les esprits, les accaparer et les éloigner de tout jugement objectif de la situation qu’ils vivent et les éloigner d’une meilleure compréhension apte à imaginer les façons de remédier à l’urgence des questions économiques, sociales et culturelles non résolues et contraignantes.

Scène une, acte 5, on désigne un sauveur. Celui qui apportera le remède miracle à tous les maux de la terre. Celui qui par un coup de baguette magique fera renaître l’espoir dans les esprits de corps affaiblis par la pauvreté, le manque, la dictature et le drame, comme par exemple l’Eldorado de l’immigration clandestine vers un monde meilleur miryfique mais irréel qui conduit le plus souvent à la mort ou à l’esclavage moderne, au sens propre du terme ou sens de l’aliénation, de l’égarement ou de la confusion mentale. Aujourd’hui ce sauveur peut être un gourou autoproclamé d’une secte, d’une chapelle ou d’un État-major, un président bien-aimé à vie, une milice locale ou de mercenaires russes de type Wagner, qui remplace les anciens mercenaires aujourd’hui désuets, obsolètes d’autrefois comme les Katangais et bien d’autres. Le sauveur pourra également s’incarner dans une super-puissance établie, émergente ou à venir.

Comme sur du papier musique


Ainsi de suite, un opéra tragi-comique en live sur le continent vert. Chaque acte de la super-production à la boliwood ou autre, une série B à la netflix saupoudrée d’épices locaux et d’auto-satisfaction, étant égayée d’une ou plusieurs fables pour nous faire accepter notre sort en nous faisant avaler des couleuvres. Toute honte bue, les chefs d’État ventripotents d’Afrique ne se sont-ils pas rendus à Saint-Petersbourg ces jours-ci ? Le président de la fédération de Russie Vladimir Poutine leur faisant part de sa mansuètude en leur accordant, bon prince, telle ou telle quantité de céréales en grand maître du jeu de la charité et de l’obole. Ainsi, les chefs d’État africains continuent à quémander et à faire l’aumône aux nouveaux maîtres du jour, ceux qui détiennent la puissance agricole ? Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Afrique dont une grande partie se suffisait à elle-même, il y a fort longtemps, est désormais tout à fait incapable d’assurer son autosuffisance alimentaire, non pas que cela soit impossible, le passé a prouvé le contraire, mais en raison de la gabegie, de la corruption, de l’exode des capitaux et des cerveaux, de l’incompétence, de l’indécision ou de la décision politique inadéquate, sans volonté, sans vrai projet ou vision.

Perpétuer la situation existante ou changer de cheval est moins fatiguant, plus rentable à court terme. Quand bien même des millions d’enfants africains meurent chaque jour dans des mines de cobalt, dans des favélas, des décharges toxiques à ciel ouvert, ou dans les guerres civiles qui se répandent comme la peste aux quatre coins du continent.

Par la force des choses, on y verra bientôt plus clair. Les scenarii se suivent et se ressemblent. Comme dans la chanson, “tout s’achète et tout se vend”, tout se transforme.

L’Algérie se fend d’une condamnation hypochrite du coup d’État, elle qui s’est construite sur la base notament d’un coup d’État du 21 septembre 1962, sur celui du 19 juin 1965 combinés à bien d’autres tentatives et assassinats politiques en série jusqu’à celui du chef de l’État, le président Mohamed Boudiaf assassiné en live en 1992 par sa propre garde présidentielle. Le système politico-militaire d’Alger, comme celui d’autres capitales, est mal placé pour jouer les biches effarouchées. Quand bien même le président Mohamed Bazoum aurait eu quelque accointance avec la dictature mafieuse militaro-financière des Taggarins-Dely-Ibrahim-El-Mouradia. Rappelons encore une fois, les généraux algériens x ou y descendant la passerelle d’un avion à l’aéroport de Niamey ou autre, valise diplomatique à la main pleine de quelques millions d’euros en espèce. C’est plus pratique. Même la Russie condamne le coup d’État, histoire de se donner bonne conscience et de prendre les devants en cas d’événement imprévu, diplomatie oblige.

Mais revenons à Alger, un hopital qui se moque de la charité. D’autant que la manipulation des GAT, groupes armés terroristes, islamistes et contrebandiers, sont depuis prés d’un demi siècle commandités et téléguidés par Alger d’entre les laboratoires et autres terrains de jeu dispersés de Tibherine, de Tiguentourine, de Tindouf, de Tamanrasset et des nébuleuses de Alqaida-Maghreb-islamique et autre État islamique au Grand Sahara. En effet, à titre d’illustration, depuis l’Algérie du colonel Chadli Benjedid et du D15 (document douanier local), les grands axes contrebandiers, aujourd’hui convertis ou associés au terrorisme, tel que celui classique d’Oran-Alger-Skikda-Tamanrasset-Kano - mais d’autres itinéraires ou axes alternatifs existent de toute évidence - sont toujours florissants et diversifiés.

Aujourd’hui, les filières de la prise d’otage, du carburant, de la cocaine, des pièces détachées, des armes lègères, des migrants clandestins, de l’or, et du racket y afférent, viendront encore complexifier la situation dans les pays du Sahel et d’Afrique particulièrement à Bamako et à Niamey.



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Palais présidentiel Niamey
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Palais présidentiel Bamako


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