Ménaka, ville martyre
par Chekib Abdessalam
Cependant que Wagner est progressivement remplacée par les Tchetchenes, c’est du moins déjà le cas à Gossi où, selon les témoignages, les mercenaires de Wagner auraient saccagé les lieux avant de les quitter, cependant que le colonel Modibo Koné semble s’être perdu dans le silence de l’ancien bagne de Kidal, alors que la fronde ne se cache plus à Bamako à l’égard d’un Premier ministre qualifié par la rue et par une partie de la “classe politique” de “Premier sinistre”, alors que les cinq putschistes transitoires viennent de libérer un chapelet de dangereux terroristes islamistes, Ménaka refait parler d’elle.
À Ménaka, qui n’a pas entendu parler de la liste infinie d’exactions des Famas et des divers groupes terroristes tel que l’EIGS (État Islamique au Grands Sahara), issu de énièmes recompositions de la nébuleuse ? Ménaka est coincée dans cette région macabre dite des trois frontières. Des frontières totalement hallucinantes, invraisemblables, tirées à l’équerre, juste à côté d’Ader Ambouken, site historique où s’est jadis illustré le héros tamachek, j’ai nommé l’aménokal Fihrun. À observer de plus prés, cette frontière en angle droit qui balafre la zone sahélo-saharienne, comme un coup de poignard dans le dos. Ménaka au coeur de la zone des trois frontières surréalistes, coloniales oui mais purement fictives.
Ménaka s’est illustrée en défrayant la chronique nécrologique de ces dernières années. En effet, les attentats islamistes et les crimes de guerre des Famas s’y succèdent et se ressemblent.
Aujourd’hui, s’éclaircissent un peu plus les tenants et les aboutissants dans le chaos qui règne au centre de ces frontières coloniales maléfiques. Avec un bon 4x4, vous pouvez venir d’Algérie, autre pure création coloniale, totalement irradiée et irradiante depuis les années soixante, vous traverserez la Tamesna à 100 kilomètres à l’heure sur du plat au volant d’une “station” ou d’un pick-up à peine rôdé, puis vous déboucherez, assez rapidement et sans péage, sur les plaines méridionnales de la savane, aujourd’hui plus ou moins arborée de l’Azaouagh. Nous voici donc à Ménaka. À l’est, Tin Tibaradine et Abalagh, au Sud le Niger de Tilabéry, puis le Burkina Faso où se sont depuis fort longtemps évanouis dans la nature les hommes intègres, tout comme les girafes et les lions, à l’Ouest, le chaos intégral, c’est à dire le Mali, encore une pure création coloniale, du moins dans sa configuration spatiale actuelle.
Ménaka ne fait pas exception au reste du Mali : sous-développement, pauvreté endémique, injustice, arbitraire, impunité, déplacements de populations. Principales victimes : les populations nomades, pastorales et rurales en premier lieu, puis les populations diverses, commerçants, transporteurs, chômeurs, bergers ruinés, paysans sans terre, à, excusez du peu, souvent la peau claaire. Autrement dit les principales victimes du chaos et des crimes de guerre sont les Touaregs, les Maures, et bien sûr les Peuls, qu’ils soient du Macina, du Fouta, de Sokoto, du Damergou ou d’ailleurs.
Dans ce contexte, les Famas (armée malienne) ont toujours été soit absentes, soit à la manoeuvre contre les populations civiles sans défense, avec quelque milice locale à la mode Koy ou Chasseur, avec quelque groupuscule terroriste jamais à court de munition à la mode Aqmi-Eigs-Mujao, car les accointances sont désormais apparentes, sur le terrain rien ne peut se cacher, mais aussi à la mode Wagner et bientôt à la mode tchétchène.
Que s’est-il passé hier, 18 juillet 2023 à Ménaka ?
Selon des sources locales et des observateurs internationaux, une manifestation favorable à l’EI aurait été organisée afin de marquer son opposition à la présence des mouvements signataires du défunt accord d’Alger, capitale de toutes les intrigues, bakchich et logistique. Des manifestants auraient saccagé des boutiques. Des maisons ont été incendiées au centre-ville. " Les militaires les ont dispersés mais on dénombre des blessés et des morts. Il y a une complaisance de plus en plus manifeste de l’armée malienne vis à vis de l’Etat islamique". Cela confirme une colusion jusque là difuse et qui ne disait pas vraiment son nom. Au moins les choses seront plus claires. L’opacité a toujours profité aux nébuleuses, y compris nébuleuse d’État.
Selon des personnalités éminament politiques et historiques de la région, “Une recomposition des forces est en marche, avec d’un côté les Famas et l’EI et de l’autre le JNIM et les Mouvements signatures. On observe également que les difficultés actuelles du GATIA font partie de cette stratégie dont la finalité est la reconquête de Kidal”.
Des militants proches de Daech-Eigs se sont livrés ce matin à des pillages de commerces au marché de MENAKA. Ces derniers essayent de s’attaquer “aux familles proches du MSA et GATIA au motif que ces mouvements combattent l EIGS”. Les FAMAs se seraient interposés, ce qui est proprement un euphémisme. A noter également, que les FAMAs à Ménaka ont beaucoup d’éléments originaires des communautés composant le GATIA (Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés) et le MSA (Mouvement pour le salut de l’Azawad, recrutant principalement en milieu Daoussahak et Chamanamas) en leur sein. Ces deux groupes sont historiquement trés proches d’anciens mouvements groupusculaires, souvent en concurrence, issu de la mouvance des “Tachoumar” proches ou du moins facilement manipulables ou manipulés, en raison d’un destin tragique, dans les faubourgs-bidonvilles de Tamanrasset par l’ex-sécurité militaire algérienne aujourd’hui DRS-ANP. Cet imbroglio, dans lequel se retrouvent ces deux mouvements, découle de revirements et de compromissions dont ils sont tributaires. Assurément, l’heure de vérité approchant, ils s’en libèreront mais pas sans douleur. Les générations passent et les consciences s’aiguisent. Ainsi à Ménaka, pour l’heure, les trois acteurs principaux du chaos et des violences à l’égard des civils sont, bel et bien l’EIGS, les FAMAS et le GATIA-MSA. N’oublions pas que les milices Koy et Wagner ou Tchetchènes ne sont jamais trés loin lorsque les Famas s’activent dans le secteur.
“Ce schéma commence à se clarifier selon plusieurs sources”.
Jusqu’à, il n’y a pas très longtemps, Ménaka était le théâtre d’affrontements sanglants qui opposaient le MSA-GATIA aux djihadistes de l’État islamique dans le Grand Sahara, excroissance des services algériens et des réseaux de contrebande affiliés à Alger chers au célèbre transfuge algérien Mokhtar Belmokhtar et consort. Les populations fuyaient par milliers. Plusieurs décennies durant Ménaka vit le martyr. Les ONG et les patrouilles étrangères faisaient ce qu’elles pouvaient. Morts, incendies, cambriolages, otages, déplacement de populations ou au contraire afflux continuel de réfugiés, tensions intra ou inter communautaires, et toujours extrême pauvreté et absence de l’État. Le départ de la Minusma ne fait qu’aggraver la situation, en plein coeur de l’Azawad.
La porte d’entrée et de sortie de Ménaka
Où se trouve Ménaka ?
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